27/03/2019

INTERVIEW : Jean-Luc Naret, directeur général de La Réserve Paris

news-main-interview-jean-luc-naret-ceo-de-la-reserve-paris.1553514536.jpg Crédit photo : Grégoire Gardette - La Réserve Paris

Vendom.jobs a eu le privilège de s’entretenir avec Jean-Luc Naret, directeur général de La Réserve Paris et PDG des hôtels La Réserve – le palace, récent dans le paysage de l’hôtellerie de luxe parisienne, a très vite été récompensé Best Hotel in the World par la très prestigieuse sélection du Readers’ Choice Awards, Condé Nast Traveler. Il nous révèle une carrière certes bâtie aux côtés des plus grands noms de l’hôtellerie de luxe mais surtout une vision, un sens aiguisé de « ce qui sera ». Comment ne pas évoquer, à ce titre, le développement exponentiel des historiques Guides Michelin sous sa houlette (passés de 6 à 28 destinations), son entrée dans l’ère du numérique, etc. Une carrière nourrie par la passion de l’hôtellerie et une indéfectible volonté de l’emmener très loin.

Vendom.jobs - La Réserve Paris a très vite été reconnue comme un lieu unique dans le paysage des palaces et grands hôtels parisiens. Comment, selon vous, ces établissements ont réussi à faire bouger les lignes de l’hôtellerie de luxe ?

Jean-Luc Naret – Grâce avant tout à la vision unique de Michel Reybier, un passionné d’hôtellerie, et de son constat. Au cours de ses voyages, il s’est aperçu que les hôtels ne remplissaient pas tous les désirs des clients. Il s’est révélé comme un précurseur en sachant définir pour chaque destination - Ramatuelle, Genève puis Paris - des hôtels qui s’adaptent totalement à leur environnement. L’exemple de Ramatuelle est particulièrement parlant. L’hôtel est situé dans une baie absolument magnifique. Dessiné par Jean-Michel Wilmotte, son architecture est épurée, moderne et s’intègre ainsi totalement dans le paysage. Et surtout, il est ouvert sur l’extérieur, la part la plus importante est l’environnement exceptionnel. L’idée est d’abord d’oublier que nous sommes dans un hôtel, même si les chambres et suites sont somptueuses, partout nous pouvons retrouver cette vue incroyable. En parallèle, Michel Reybier a pensé à créer des villas (comme à Paris, avec les appartements situés place du Trocadéro). Ceci était totalement novateur, il a réussi à anticiper les attentes du client en lui offrant la possibilité de se sentir « chez soi » tout en ayant tous les services d’un hôtel de luxe. La Réserve Genève possède également un environnement exceptionnel, tout à fait unique dans la cité, sur les rives du lac, face au Mont-Blanc. À nouveau, cet hôtel a su répondre à la demande d’une clientèle qui souhaitait se retrouver dans un lieu authentique et chaleureux (que l’on doit à la décoration par Jacques Garcia).

Le bar 

Le patio 

La Réserve Paris a, en effet, été la plus récompensée et s’est placée en très peu de temps parmi les palaces parisiens les plus recherchés. En rachetant la Résidence Maxim’s à Pierre Cardin (ancien hôtel particulier du duc de Morny), Michel Reybier a créé dans un emplacement unique à Paris, face au Petit-Palais et au Grand-Palais et les jardins des Champs-Elysées, un hôtel tout à fait remarquable. L’idée était de faire renaître, en collaboration avec Jacques Garcia, une maison d’autrefois. Tout fut penser dans l’esprit, le style, Napoléon III, de l’époque. Cet hôtel a désormais la plus belle clientèle de Paris car elle s’y sent bien, chez elle.  L’hôtel est relativement petit (40 chambres) mais avec tous les services que l’on peut attendre d’un palace : un fumoir, une bibliothèque, une brasserie, un restaurant étoilé. Michel Reybier Hospitality a créé des destinations à taille humaine qui mettent le client au centre des préoccupations.

La bibliothèque 

V. J. - Vous avez œuvré au sein de prestigieux groupes internationaux, à l’aura mondiale, comment passe-t-on (dans quel état d’esprit) de compagnies historiques à des compagnies un peu moins anciennes, voire en pleine expansion ?

J.-L. N. - Tout d’abord, j’estime avoir eu la chance de toujours travailler pour des hommes et non des groupes. J’ai débuté avec un poste de directeur général à 29 ans pour le One & Only Saint-Géran ; One & Only était alors un petit groupe. Kerzner m’a fait confiance et m’a donné l’opportunité de travailler pour un magnifique palace de l’île Maurice. Toute ma carrière s’est établie sur cette relation de confiance avec des individus, sur des projets aussi : de La Résidence Mauritius au Sandy Lane, avec son altesse l’Aga Khan puis, bien sûr, avec Edouard Michelin. J’ai rencontré, à chaque étape de ma carrière, des hommes qui m’ont passionné, des précurseurs comme par la suite Michel Reybier. J’avais d’ailleurs un grand désir de travailler pour lui.

V. J. - Quel est votre moteur personnel dans votre profession ?

J.-L. N. - En un mot : c’est bien sûr la passion ! La passion pour l’hôtellerie, pour la transmission également. Je dis souvent qu’entre 20 et 30 ans on fait son éducation. J’ai cherché ce savoir auprès des grands. À 21 ans j’ai eu la chance d’être nommé directeur du train du Venice-Simplon-Orient Express ; à 23 ans je partais pour Bora Bora avant de revenir à 25 ans au Bristol. Durant cette période, l’important est de savoir associer son nom avec les grands noms de l’hôtellerie afin de positionner sa carrière. Entre 30 et 50 ans, je dirais que l’on créée sa réputation. À partir de 50 ans, l’on travaille sur sa transmission. Cette notion m’a toujours tenu à cœur. J’entends, diffuser ce que j’avais eu la chance d’acquérir. J’ai plaisir à ce que mes équipes soient perméables que l’on travaille ainsi ensemble. Mon objectif a d’ailleurs souvent été de travailler avec les équipes déjà en place et d’essayer de les faire grandir ; parfois même de les faire bouger. Il m’est facile de sentir dans quel contexte seront le mieux utilisés des talents ; c’est particulièrement vrai quand nous sommes engagés dans des ouvertures d’établissement. Les équipes que j’ai quittées pour d’autres horizons m’ont souvent donné la même chose. Il s’agit d’un poème d’Apollinaire [« Venez jusqu’au bord »]. Nous sommes là pour emmener les gens au-delà des limites qu’ils se fixent. Il convient d’avoir une vision claire de ce que vous voulez faire, afin d’emmener les équipes avec vous, les faire évoluer mais sans jamais refaire la même chose !

Suite prestige 

Suite prestige 

V. J. – Vos différentes missions vous dépeignent comme visionnaire du secteur du luxe et de l’hôtellerie, quels conseils pourriez-vous prodiguer à un jeune professionnel dont c’est la passion ?

J.-L. N. – Écoutez votre voix intérieure, elle vous dira si vous êtes réellement fait pour ce métier. La passion est évidemment une condition sine qua non. Nous travaillons dans un secteur extrêmement exigeant qui demande des sacrifices personnels qu’il ne faut pas avoir peur d’affronter car nous avons la chance de travailler dans un environnement exceptionnel. Nous œuvrons dans un domaine où, même avec peu de diplômes, si vous en avez la volonté, vous pouvez rapidement accéder à de formidables opportunités de carrière. L’industrie du luxe est un métier privilégié. Mes conseils seraient, en définitive : soyez vous-même et faites en sorte de travailler pour des hôtels uniques. Nous sommes tous uniques et nous avons tous besoin d’une reconnaissance unique.

Je pense aussi que nous devrions tous nous laisser inspirer par l’extérieur, chercher des visions différentes dans n’importe quel domaine, pour nous emmener plus loin.  Il faut savoir se laisser étonner ; l’étonnement est très inspirant.  

V. J. – Quel est le plus grand challenge que vous ayez eu à relever ?

J.-L. N. – Sans hésiter, c’est celui que je n’ai pas encore réalisé ! On apprend toujours du challenge précédent en réalité. J’essaie de toujours avoir quelques coups d’avance mais en emmenant toujours mes collaborateurs avec moi. J’ai souvent organisé, à ce titre, des journées de séminaire rassemblant les équipes. Un exercice consistait à passer une série d’obstacles par équipe de deux personnes, l’une ayant les yeux bandés. Le but était de s’en remettre entièrement à son co-équipier. Nous ne devons jamais oublier que quelque soit notre poste quand nous arrivons quelque part, nous sommes toujours le dernier arrivé. Il est impossible d’intégrer cette confiance par un titre, mais par une vision, l’envie de la faire partager et de faire évoluer les gens qui nous entoure. La créativité, l’innovation sont très importantes dans notre métier. La clef du succès est égale à l’attente du client « +1 », c’est-à-dire ce qui fera la différence. Nous devons comprendre et anticiper l’action qui permettra de rendre notre client unique.

Le fumoir 

V. J. – Quel est votre luxe personnel ?

J.-L. N. – J’ai la chance de n’avoir jamais eu à mettre une alarme de réveil pour me lever. Où que je sois dans le monde, je me réveille naturellement. Je considère cela comme un très grand luxe. J’estime également avoir le luxe de pouvoir me dire que tous les matins, je ne vais pas travailler mais je vais m’« amuser ». J’ai lu un jour que si vous choisissez votre métier de façon naturelle, vous vous apercevrez que vous ne travaillerez pas un seul jour dans votre vie. Il est important de se laisser guider par sa passion et ma passion de l’hôtellerie se génère chaque jour d’elle-même. C’est aussi un grand luxe d’avoir su choisir sa carrière.

Le Gabriel** 

La Réserve Paris

42 Avenue Gabriel

75008 Paris 

+33 1 58 36 60 60

https://www.lareserve-paris.com

 

 

 

 

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