INTERVIEW : Michel Kayser, Michel Kayser-Restaurant Alexandre**

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Il est des voyages immobiles qui vous transportent au cœur même d’un environnement qui vous semblait pourtant familier. C’est cette excursion que proposent depuis 1983, lorsqu’ils reprennent le restaurant de Pierre Alexandre, Michel et Monique Kayser. Plus encore, le restaurant Alexandre**, 4 toques, fait partie de ces maisons qui vous accueillent comme des amis. Une maison, oui ! Car les collaborateurs du chef Michel Kayser sont des fidèles de sa frénésie créative, de sa générosité, de sa sincérité. Concentré à magnifier les produits du Gard, le chef, qui vient juste de recevoir la très convoitée note de 18/20 au Gault & Millau, a communiqué à vendom.jobs son lyrisme vibrant, parfois teinté de nostalgie mais d’une nostalgie positive, indispensable à cette trop rare capacité désormais à pouvoir continuellement s’émerveiller de la beauté, de la qualité, de son environnement. Plus qu’une leçon d’un maître de la gastronomie, Michel Kayser offre à ses hôtes un moment de partage, d’âme à âme.

© Gilhem Canal

Vendom.jobs- Vos menus se déclinent en « émotion ». Vous utilisez le truchement de votre cuisine pour parler aux gens, d’humain à humain ?

Michel Kayser – Il y a quelques années, j’ai été sélectionné parmi 500 chefs pour participer à la manifestation « La Semaine du goût ». Nous intervenions dans des écoles. Je conseillais toujours aux élèves de remercier le parent qui cuisinait pour eux à la maison. Même si la cuisine, en tant que professionnel, est notre moteur, le retour du client est au cœur de notre création.  Ainsi, un artiste ne saurait donner une valeur à ses tableaux sans des amateurs de son œuvre. C’est exactement la même chose dans notre domaine.  Nous sommes là pour donner de l’émotion. Offrir aux clients un moment suspendu. Nous avons organisé l’entrée de notre établissement de façon à ce que nos hôtes passent à travers le jardin par un petit chemin sinueux. Ils sont donc ainsi obligés, en quelque sorte, de prendre leur temps, d’observer. Ensuite, nous continuons à les emmener vers l’univers de notre cuisine en leur offrant une eau parfumée aux herbes de saison par exemple. Notre rôle est de procurer ce moment de déconnexion, de partage. J’accorde beaucoup d’importance à l’humain.

V.J. - Comment composez-vous votre carte ?

M. K. - Je la compose de concert avec mes producteurs. Je travaille avec une personne qui sélectionne les produits biologiques, de qualité chez les maraîchers. Tous les deux jours, elle nous fait le marché et nous décidons alors en fonction de ce qu’elle apporte.

© Gilhem Canal

V.J. - Les jeunes générations de chef se disent très tôt concernés et impliqués par les questions de durabilité. Est-ce une prise de conscience que vous avez vu naître ? Quel est votre regard dessus ?

M. K. – J’ai débuté ma formation en 1969. Nous n’avions pas de congélateur, les réfrigérateurs étaient d’immenses chambres froides. Nous n’utilisions pas de sous-vide. Nous faisions donc la cuisine du marché ! Le premier livre que j’ai acheté après l’école était d’ailleurs celui de Paul Bocuse : La Cuisine du marché. Cette façon de nous approvisionner, de cuisiner, à partir du moment où nous nous engageons dans la volonté de créer une cuisine de qualité, a toujours été au cœur de notre métier. Quelle que soit la façon dont on appelle cette tendance désormais, l’important est de continuer à agir dans ce sens avec intelligence et rigueur mais en s’amusant. La cuisine est, pour moi, à l’image d’un enfant pris dans son jeu. En cuisine, nous sommes concentrés sur notre monde, nos scénarii, tout en restant attentif à ce qui se passe autour.

V.J.- Quels sont les objectifs et les activités de l’association « Gard aux chefs », qui organise aussi des repas solidaires ?

M. K. – Nous avons désormais dans la région beaucoup de chefs de qualité même si certains ne sont pas étoilés. L’important est de promouvoir une cuisine simple, de qualité, abordable et de proximité. Nous allons sélectionner les restaurants qui transforment bien le produit, dont le cadre et le service sont agréables.

Nous parlions justement d’écologie, le département du Gard à toutes les qualités pour devenir un exemple des bonnes pratiques en matière de production et de consommation. Lorsque que nous nous sommes installés ici en 1983, le Gard était considéré comme un désert gastronomique. Nous avons désormais six restaurants étoilés [cinq 1 étoile et Michel Kayser-Restaurant Alexandre**]. Pierre Gagnaire a créé la carte du Maison Albar Hotels L'Imperator à Nîmes. Il existe un vrai vivier !

Pour faire grandir cette association, nous avons aussi décidé d’y faire entrer des producteurs et des vignerons ; cela va de pair avec notre mission. Depuis ces 30 dernières années, les vins du Languedoc-Roussillon ont beaucoup progressé. Les enfants des vignerons, qui furent à l’initiative de ces changements, reviennent maintenant dans la région et nous découvrons des vins de grande qualité et biologiques.

V.J. – Auriez-vous un conseil de chef à donner à nos lecteurs pour une cuisine saine, responsable et abordable ?

M. K. – Je pense que c’est une question de génération. Ma mère, ma grand-mère travaillaient mais avaient appris et savaient faire la cuisine. Toutefois, dans ma région d’origine, nous ne mangions pas de façon si saine car les produits étaient peu variés mais roboratifs. Toute notre cuisine tournait autour des produits de la ferme :  des potages de pois cassés agrémentés de lardons, des quenelles de farine, beaucoup de cochon. De nos jours, nous n’avons plus besoin de manger comme cela car nos métiers sont moins éprouvants physiquement.

L’alimentation est vraiment un problème d’éducation. Si l’on veut manger sainement, il faut que les parents fassent un minimum de cuisine, ne serait-ce que le weekend. La cuisine est aussi un acte de partage, donc d’amour et de santé.

V.J. – Un produit fétiche que vous avez fait évoluer au cours de votre carrière ?

M. K. – Il y a une trentaine d’années, j’ai découvert la cardamone, verte, grise, blanche. Nous possédons tous une bibliothèque mentale du goût que l’on nourrit durant notre enfance notamment. J’ai découvert cette saveur totalement nouvelle pour moi, j’étais très surpris. Je l’ai utilisée par exemple pour sublimer l’huître qui, en Méditerranée est très iodée.  J’ai fait infuser la cardamone, associée à l’eau des huîtres pour en faire une gelée.

Je suis attiré par les épices car, curieusement la cuisine de l’Est est bercée par elles : la cannelle, les baies de genièvre, les clous de girofle sont très présents, le cumin dans la choucroute, etc.

V.J. – Quelle est votre devise ?

M. K. – Il s’agit d’un proverbe arabe. « Plutôt que de se promener sur la rive et regarder le poisson d'un œil d'envie, mieux vaut rentrer chez soi et tisser un filet. »

Pour moi, l’apprentissage passe par l’observation, mais nous n’apprenons pas seulement un savoir-faire mais aussi un savoir-être. Les deux sont souvent indissociables.

© Joann Pai

Michel Kayser-Restaurant Alexandre **, Relais & Châteaux

2 Rue Xavier Tronc

30128 Garons – France

0033 4 66 70 08 99

Site Web

 

(Crédit photo couverture : Gilhem Canal)

 

 

 

 

 

 

 

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