INTERVIEW : Marie-Laure Akdag, fondatrice et directrice générale de Marie-Laure Akdag Consultancy Ltd

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© 45 Park Lane

Ayant effectué l’ouverture et dirigé l’adresse londonienne phare le 45 Park Lane (Dorchester Collection), Marie-Laure Akdag a élégamment brossé, pour vendom.jobs, les contours d’une carrière étonnamment complète et poussée. Tour à tour, directrice des opérations, responsable du développement et du marketing, vice-présidente stratégie client, au sein de destinations et groupes aussi prestigieux que le Crillon, le Savoy (Fairmont Europe), le Burj Al Arab et, plus récemment, Burberry, elle met désormais son expertise globale du luxe au service des marques afin de les aider à construire leur stratégie commerciale et opérationnelle dans une branche lifestyle. 

Vendom.jobs - Pourriez-vous nous présenter votre carrière ? 

Marie-Laure Akdag – Elle a débuté à San Francisco où j’enseignais à l’université. Mon époux m’a convaincue d’étudier le marketing à Berkeley. Je m’y suis aussi constitué un CV professionnel et j’y reçus, en quelques sortes, ma première expérience en luxury retail en travaillant chez Macy’s et Nordstrom. Ma passion des voyages, ma curiosité pour les cultures étrangères m’ont fait m’orienter ensuite vers le tourisme. J’ai accepté une offre d’emploi pour un petit tour opérateur à Berkeley. J’y suis rapidement devenue directrice des opérations et nous avons commencé à organiser des voyages d’affaires pour groupes. Ce poste m’a permis d’élargir mes connaissances de l’industrie et de me créer un réseau de fournisseurs parmi lesquels des hôteliers. Le fait de côtoyer ces personnes passionnées m’a incitée à me tourner vers l’hôtellerie. Nous avons ensuite déménagé à Londres où j’ai accepté mon premier poste de commerciale au Churchill (à l’époque InterContinental). J’y ai appris les rudiments de la gestion commerciale grâce un directeur qui me laissait prendre des initiatives. Cette expérience a eu énormément d’influence sur le type de management et de leadership que j’utilise.  

Mes expériences en Europe, au Moyen-Orient, m’ont permis d’apprendre à construire des équipes fortes, soudées, motivées pour pouvoir exécuter une stratégie commerciale pointue adaptée aux produits, aux marchés, à l’environnement géopolitique du moment. Cela m’a évidemment demandé beaucoup d’adaptabilité et de la créativité, une certaine capacité à prendre des risques contrôlés afin de sortir du lot dans un univers très concurrentiel. J’y ai aussi acquis une vision globale de l’industrie, du marketing à la communication, en passant par le revenu… Tout en étant, bien entendu, ambassadrice internationale des hôtels lors de mes voyages promotionnels.  

C’est le directeur général qui m’avait embauchée au Burj Al Arab qui a vu en moi un potentiel pour diriger. Il m’a convaincue de suivre le General Manager Program de l’université de Cornell. On m’a donné alors l’opportunité d’ouvrir le 45 Park Lane (premier boutique-hôtel pour Dorchester Collection). Ce fut ma première expérience d’ouverture et de gestion d’une équipe hôtelière. Certainement l’expérience la plus enrichissante de toute ma carrière, celle dont je suis la plus fière. J’ai appris à faire confiance à des collaborateurs qui étaient spécialistes de leur discipline. Posséder une capacité à fédérer reste primordiale pour la réalisation de ce genre de projet. Notre implication nous a permis de nous démarquer dès le départ. Nos sondages clients ont mis en evidence notre capacité à créer des relations interpersonnelles fortes avec notre clientèle en lui proposant des expériences taillées sur mesure.  

J’ai alors été approchée par Burberry pour agrandir leur équipe grands vendeurs s’occupant des clients les plus fidèles à la marque et affiner le service qu’ils offraient ; puis chapeauter la stratégie CRM. 

V. J. - Après avoir travaillé pour de très prestigieux et iconiques hôtels à Paris, Londres, Dubaï, etc. Qu’elles sont, selon vous, les similarités et les différences avec une mission auprès d’une grande marque de confection ?  

M-L. A. - Le produit, pour moi, que ce soit dans l’hôtellerie ou le luxury retail, doit être le plus parfait, le plus innovant possible. Nous nous devons de recruter des collaborateurs généreux de leur personne qui aiment aider et qui font preuve d’une grande finesse et d’intelligence émotionnelle afin de créer des liens avec le client. Nous ne vendons pas un produit de luxe, nous créons un rêve autour d’une expérience. La formation des collaborateurs est, à ce titre, capitale pour qu’ils deviennent de véritables ambassadeurs de votre marque et qu’ils gagnent la confiance du client afin qu’il revienne et vous recommande. Ces collaborateurs font partie intégrante de votre marque et il faut savoir les faire évoluer et les garder. La dimension humaine est essentielle, au-delà du tout numérique que nous vivons à l’heure actuelle. Le client doit avoir accès à votre marque comme il le souhaite, par une interaction physique ou numérique ; la facilité de l’accès est donc centrale quels que soient les canaux. Simplicité et efficacité sont pour moi des mots clefs. Il faut connaitre le client pour pouvoir offrir un service personnalisé. Un CRM peut être performant mais il faut les personnes derrière pour l’alimenter intelligemment. L’hôtellerie est certainement plus avancée sur ce point que le luxury retail. Cela est certes devenu plus délicat avec le GDPR. Il faut savoir le présenter comme une valeur ajoutée pour être à la pointe, découvrir des choses ou même gagner du temps. 

V. J. – Comme vous le souligniez, le facteur humain est central lorsque l’on parle d’expérience client. Comment se comporte-t-on face à une clientèle diverse, internationale ? 

M-L. A. - Il faut considérer les choses autrement en réalité. Aujourd’hui, nous devons avant tout offrir une vraie expérience autour de la marque pour donner envie au client de se déplacer en boutique. Pour moi cette démarche est essentielle car elle permet de créer un contact physique avec le client. En hôtellerie, beaucoup de formations sont, en effet, organisées sur les différences culturelles, l’art de vivre, comment approcher le client suivant sa nationalité, etc. Mais il convient d’abord de créer une interaction individuelle avec lui, ensuite, il est possible d’affiner sur la base de différentes fréquences de contact qui relèvent de: la génération du client, sa situation géographique, sa culture, ses préférences, etc. Il faut connaître la personnalité du client pour savoir comment nous allons interagir avec lui, là intervient le numérique. Mais l’intelligence artificielle sans humanité ne sert à rien. Dans une époque où l’on favorise l’expérience aux possessions il faut savoir trouver les points de connexion, surtout vis-à-vis des jeunes, entre le positionnement de votre marque et les aspirations des différents segments de votre clientèle. Elle doit pouvoir s’identifier à certains aspects de la marque pour avoir envie d’en faire partie, de communiquer avec elle, d’en être l’ambassadeur. Pour moi c’est l’évolution naturelle de la création de communautés de personnes qui se ressemblent. Il faut créer autour de la marque ces tribus pour que votre positionnement en soit renforcé.  

V. J. – Des marques iconiques comme Burberry capitalisent-elles sur leur histoire vis-à-vis des plus jeunes générations ? Si oui, comment ?  

M-L. A. - Tout est désormais numérisé, dématérialisé, mais nous nous trouvons à une époque de retour aux sources. Les jeunes générations apprécient le vintage. Elles aspirent à revenir à des choses physiques, plus artistiques. Selon moi, l’avantage de ces marques de luxe, qui possèdent un patrimoine, est qu’elles ont une histoire à raconter. Cela rejoint le besoin de ces générations qui ont évolué très vite, au sein d’un monde globalisé, de comprendre d’où elles viennent. Elles veulent de la substance, quelque chose de fondamental qui reste. Que l’on soit dans l’hôtellerie ou le luxury retail, il existe un patrimoine que l’on a envie de préserver tout en restant très connectés. Cela rejoint tout à fait mon propos précédent, la technologie du futur c’est la simplicité. Elle doit nous libérer du temps pour que l’on puisse le consacrer aux choses que l’on aime. Bien entendu, les marques doivent aussi continuellement se réinventer. Dans un monde qui avance si rapidement, où les gens se lassent facilement, la créativité et l’innovation sont les clefs. Tout en restant, bien sûr, fidèles aux valeurs fondamentales de la marque dans lesquelles les gens se reconnaissent.  

V. J. – Quels conseils pourriez-vous prodiguer à de jeunes diplômés ou des professionnels souhaitant faire évoluer leur carrière dans ce secteur ?  

M-L. A. - Il faut avoir soif d’apprendre pour être le meilleur et offrir le meilleur au client car il ne fait confiance qu’aux experts. Si je me place en tant que recruteur, je préférais recruter un jeune diplômé avec une grande curiosité et une véritable soif d’apprendre que quelqu’un avec de l’expérience mais qui n’a pas ce dynamisme. Il faut avoir plaisir à échanger avec les gens. Encore une fois, les qualités humaines sont primordiales, elles font la différence de ce secteur que ce soit dans le luxury retail ou l’hôtellerie. Pour travailler dans le domaine du luxe, il faut aimer le beau, la perfection, repousser ses limites, aimer faire plaisir. Il faut aussi saisir les opportunités quand elles se présentent, savoir prendre des risques, travailler pour des personnes qui présentent également toutes ces qualités et qui ont à cœur de vous faire évoluer.  

V. J. – Quel est votre luxe personnel ?  

M-L. A. - La simplicité et la perfection. J’aime un plat simple mais exécuté avec les meilleurs ingrédients pour que les saveurs me transportent, m’évoquent des souvenirs par exemple. De même, en couture, une robe simple, intemporelle, très bien coupée dans un très beau tissu. Mon luxe n’est pas quelque chose de compliqué, d’arrogant, rien de clinquant. Le soin apporté à une pièce quelle qu’elle soit, c’est cela aussi qui révèle la préciosité. 

 

 

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